Lettre ouverte pour l'adoption d'une résolution de l'OIF sur les maladies tropicales négligées

10 Sep 2018

**Note: please see an English version here.  In case of discrepancy, the French version shall prevail.

Lettre ouverte à Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de Gouvernement des États membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF): Pour l'adoption d'une résolution de l'OIF sur les maladies tropicales négligées


Paris, le 5 septembre, 2018

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Nous, organisations de la société civile à travers l’espace francophone, sollicitons votre soutien pour un projet de résolution sur l’élimination des maladies tropicales négligées (MTN).

Ce projet a été présenté pour examen en vue du prochain Sommet de l’OIF à Erevan (Arménie), le 11 et 12 octobre 2018. Il vise à demander aux États membres de promouvoir et de renforcer la lutte contre les MTN dans la communauté francophone en prenant des mesures pour contrôler et éliminer les MTN en accord avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les bonnes pratiques internationales.

Les maladies tropicales négligées, qui comprennent des maladies telles que la trypanosomiase humaine africaine (maladie du sommeil), la lèpre, les helminthiases (les vers intestinaux), la leishmaniose viscérale, le trachome, la filariose lymphatique et la schistosomiase (bilharziose), parmi d’autres, devraient être une priorité clé pour l’OIF. L’élimination de ces maladies est reconnue comme un marqueur du progrès mondial vers la couverture universelle des soins de santé, surtout en ce qui concerne l’accès équitable aux services de santé, en assurant que personne n’est laissé pour compte. L’Objectif de développement durable 3.3 vise également l’élimination des MTN avant 2030.

Parmi les 1,5 milliards de personnes autour du monde qui sont à risque d’au moins une de ces maladies, un grand nombre se trouve dans des pays francophones en Afrique, en Asie, en Europe du Sud et dans les Caraïbes. Parmi les 26 pays de l’OIF en Afrique subsaharienne, où le fardeau des MTNs est particulièrement lourd, plus que 200 millions de personnes, ou à peu près deux sur trois individus, sont à risque de contracter une MTN. 

Les pays et organisations francophones ont été des acteurs clés dans le combat contre les MTNs. Par exemple :

• Le Cambodge, la République démocratique populaire lao, et le Maroc ont récemment éliminé le trachome, tel que validé par l’OMS. Au cours des deux dernières années, le Togo et l’Égypte sont devenus les premiers pays africains à éliminer la filariose lymphatique.

• Drugs for Neglected Diseases initiative (DNDi), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l’Institut Pasteur, tous des instituts de recherche basés dans des pays francophones, sont devenus des chefs de file dans le développement des nouveaux médicaments, vaccins et dépistages pour les MTN.

• Le Canada, la France, le Luxembourg, la Belgique et la Suisse ont été parmi les premiers bailleurs de fonds du Programme africain de lutte contre l'onchocercose (APOC) un programme qui a réussi à combattre l'onchocercose, ou la « cécité des rivières », dans la plupart des 19 pays participants. En plus, la Belgique et la France ont priorisé l’élimination des MTNs au sein de leurs politiques de santé étrangères.

• À titre d’exemple de partenariats et de la collaboration régionale réussis, le Réseau Africain Francophones des Experts du Trachome constitue un réseau des acteurs multisectoriels travaillant pour l’élimination du trachome à travers le partage des informations et de bonnes pratiques.

Ces réussites et exemples de collaboration francophone illustrent l’impact potentiel des actions concertées de lutte contre les MTN sur la vie des millions de personnes vivant dans l’espace francophone.

En dépit du progrès scientifique et technologique au cours des cinq dernières années, des investissements soutenus en innovation et en technologie, davantage d’engagements de la part des gouvernements et des compagnies pharmaceutiques et une volonté politique forte et soutenue sont nécessaires afin d’assurer que toutes les communautés sont libérées de ces maladies.

Le prochain sommet est particulièrement opportun pour prioriser l’objectif d’élimination des MTNs dans les pays francophones, dans le prolongement de la résolution « Investir dans le secteur de la santé pour soutenir la croissance partagée dans l’espace francophone » adoptée à la XVIe Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage à Antananarivo (Madagascar), les 26 et 27 novembre 2016.

L’élimination des MTNs aura un impact sur les priorités de l’OIF liées à plusieurs domaines de développement qui se retrouvent dans les Objectifs de développement durable (ODD), y compris les objectifs relatifs à la Santé (3), la Pauvreté (1), Eliminer la Faim (2), l’Éducation de qualité (4), Égalité entre les sexes (5), Eau propre et assainissement (6), Villes et communautés durables (11), et Partenariats pour la réalisation des objectifs (17).

En plus, la prévention des maladies tropicales négligées est pertinente par rapport à l’égalité femme-homme et l’accès des filles et des garçons à une éducation de qualité deux secteurs prioritaires de l’OIF. A titre d’exemple, on peut citer le trachome, une infection pénible et qui peut causer la cécité, dont les femmes et les filles portent 80 % du fardeau (selon une mesure appelée année de vie corrigée du facteur invalidité (AVCI) pour représenter le coût pour la santé et l'économie). Les MTN peuvent aussi impliquer certains risques spécifiques par rapport à la santé des femmes et filles à cause de facteurs biologiques. Par exemple, la schistosomiase peut entraîner la stérilité et des fausses couches précoces. Les femmes qui contractent cette maladie sont aussi jusqu’à trois fois plus à risque de contracter le VIH-sida.

Enfin, les maladies tropicales négligées affectent plus que 800 millions d’enfants, et diminuent leur capacité d’apprendre et de se concentrer à l’école. Souvent, elles mènent au décrochage scolaire. En plus, des études ont démontré que certaines infections parasitiques ont un impact sur la fonction cognitive, affectant l'apprentissage, la mémoire et l'intelligence.

En conséquence, nous vous demandons respectueusement de :

• Appuyer la résolution portant sur les maladies tropicales négligées au prochain sommet de l’OIF qui aura lieu le 11 et 12 octobre à Érevan, Arménie;
• Soutenir la recherche sur les MTN, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle de la Francophonie.

En outre, nous demandons respectueusement aux pays endémiques de :

• Assurer que les MTN font partie des stratégies de santé nationales prioritaires et que des efforts pour les combattre sont financés de façon appropriée à travers un budget dédié;
• Apporter le financement nécessaire pour assurer l'accès aux activités de distribution massive de médicaments;
• Fournir l’eau potable et les services d’assainissement et d’hygiène, qui sont essentiels pour la prévention et la gestion des MTN.
• Faire avancer la couverture de santé universelle à travers le renforcement des systèmes de santé afin de livrer des services de santé de qualité et en priorisant l’accès des populations à risque.



Signataires

Organisations:
Drugs for Neglected Diseases initiative (DNDi)
Réseau International Schistosomiase Environnement Aménagement et Lutte (RISEAL) Madagascar
Institut tropical et de santé publique suisse (Swiss TPH)
Le Centre Tunisien de la Santé Publique
Mission Lèpre (The Leprosy Mission)
Mission Lèpre, Népal (The Leprosy Mission, Nepal)
Mission Lèpre, Suisse
effect:hope - The Leprosy Mission Canada
Secours aux Lépreux - Leprosy Relief Canada
Coalition internationale pour la lutte contre le trachome (International Coalition for Trachoma Control)
The END Fund
Light for the World
PATH
Groupe directeur canadien sur les maladies tropicales négligées (Canadian Steering Group for Neglected Tropical Diseases)
Organisation Jeunesse pour le Développement Communautaire (ORJEDEC), Togo
The Carter Center
Alliance suisse contre les maladies tropicales négligées (Swiss Alliance against Neglected Tropical Diseases (SANTD))
Unis pour combattre les MTN (Uniting To Combat Neglected Tropical Diseases)
Epicentre
Swiss Malaria Group
CMA DE NGORO
Action Damien
Health & Development International (HDI)
Kilimanjaro Centre for Community Ophthalmology
Speak Up Africa
Ong Bien Être Pour Tous
Association Burkinabe d Action Communautaire ABAC ONG
Iidebate Association
Groupe d'Action, de Paix et de Formation pour la Transformation (GAPAFOT)
Association Tunisienne de Prevention Positive (ATP+)
Alliance Burundaise pour la lutte contre la tuberculose et la lèpre (ABTL)
Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME)
Moxafrica
Afrihealth Optonet Association
Society for Conservation and Sustainability of Energy and Environment in Nigeria (SOCSEEN)
OPC
Lepra
CBM International
German Network against Tropical Diseases (DNTDs)
Liverpool School of Tropical Medicine
Footwork, the International Podoconiosis Initiative
NLR. Netherlands Leprosy Relief
Dr Uzo Adirieje Foundation (DUZAFOUND)
Fédération internationale des organisations anti-lèpre - ILEP

Individus:
Mema A Beye, TUTU Fellows
Alhousseini Maiga, medecin
Boum Yap
Justin Eyong, Société Camerounaise d'Epidémiologie
Beye Aida, Club Alioune Blondin Beye
Robert Fondze Jr Nsaibirni, Epicentre
Ndong Marcelle, Université des Montagnes
Stève Kowo Ngouana, African Humanitarian Agency
Bieleu Marrina
Biheng Junior, Afrique Future
SOHNAGOU Jose-Palatine, PBS
Rodrigue Ntone, Epicentre/Médecins sans frontières 
Tchapet Nana Marina, Integration clinic
Tresor Z. Djiakou, International Medical Corps (IMC)
Abdelkader Bacha, AfriCASO
Jean Paul ZAWADI BISHOVU
Yaobi Zhang, Helen Keller International
Zaadnoordijk Willemijn, Merck
El Khou Eby Cheikh, UNICEF
Baba Goumbala 
Yao Sodahlon, Mectizan Donation Program
Alami Boutaina, Organisation Panafricaine de lutte contre le SIDA
Anas Benhmidalakhal, Atp+
Dr.Chandrakant Revankar
Wim Vandevelde, GNP+
Hugh Taylor, The University of Melbourne, Australia
JOHNSON ROCH CHRISTIAN, Fondation Raoul Follereau
Dirk Antoon Engels, ancien Directeur du Département de lutte contre les MTN à l'OMS
Alison Krentel, Bruyere Research Institute